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Francopresse | Sciences et environnement

June 24, 2023 | Marine Ernoult

English translation via Google Translate

TÉMOIGNAGE – Dans le cadre de la Journée nationale des peuples autochtones, deux femmes expliquent leurs liens avec la terre de leurs ancêtres et racontent leur engagement pour la protection de la nature.

TESTIMONY – As part of National Indigenous Peoples Day, two women explain their ties to the land of their ancestors and recount their commitment to protecting nature.

Listen to Original Article (en français / in French)

Christine Dunbar, 26 ans

Christine Dunbar habite à Yellowknife dans les Territoires du Nord-Ouest (T.N.-O.) Elle est autochtone du côté de sa mère, ukrainienne et écossaise du côté de son père. Sa mère, Inuvialuit, est née à Inuvik, une ville à l’extrême nord des T.N.-O., proche de l’océan Arctique.

Christine travaille pour le ministère de l’Environnement et du Changement climatique des T.N.-O. Elle est également la coordonnatrice locale du Global Youth Biodiversity Network (GYBN), un réseau d’organisations de jeunesse en faveur de la biodiversité. En décembre dernier, elle a participé à la 15e conférence mondiale sur la biodiversité (COP15), organisée à Montréal.

«Les communautés autochtones connaissent la terre mieux que quiconque»

«Je n’ai pas grandi sur la terre de mes ancêtres, j’ai toujours vécu à Yellowknife. Mais je suis en contact avec la culture autochtone depuis mon enfance. L’école nous emmenait souvent dans des camps en pleine nature où l’on apprenait à tanner des peaux d’orignaux, où l’on écoutait les anciens parler de leurs expériences et de leurs connaissances de la vie sur terre. Les communautés autochtones connaissent la terre mieux que quiconque.

Il y a deux ans, lorsque je suis allée pour la première fois à Inuvik d’où vient ma mère, j’ai ressenti un profond sentiment d’appartenance. J’ai pu visiter une cabane que ma famille possède depuis près de 100 ans. J’ai pu passer du temps avec certains membres de ma famille qui vivent encore là-bas. Ils m’ont fait visiter le delta du fleuve Mackenzie.

Mes grands-parents maternels étaient des gens très traditionnels. Ils vivaient dans la nature, partaient chasser et pêcher avec leurs enfants, confectionnaient des vêtements traditionnels. Mais ma mère n’était pas intéressée par ce mode de vie et elle a quitté Inuvik très tôt pour s’installer à Vancouver.

Maintenant, mes grands-parents sont décédés et je n’ai plus personne pour me montrer ces traditions, m’apprendre la langue. C’est difficile d’essayer de reconstituer son identité quand on n’a personne à ses côtés. Je suis un peu livrée à moi-même pour découvrir mon côté autochtone.

«La terre autour de moi change tellement vite»

Je suis aussi très préoccupée par l’avenir des peuples autochtones. Le changement climatique les frappe de plein fouet, nous frappe tous de plein fouet. J’y pense tout le temps, c’est triste et effrayant. La terre autour de moi change tellement vite.

Dans le Nord, nous subissons des changements climatiques de façon quatre fois plus importante que dans le reste du Canada. Je le constate chaque jour, dans ma vie privée, dans mon travail. La neige fond beaucoup plus vite. Le printemps est toujours plus chaud, surtout la nuit. Le pergélisol est en train de fondre, ce qui provoque de l’érosion et libère des gaz néfastes dans l’atmosphère. Ces dernières années ont également été désastreuses en matière d’incendies et d’inondations.

La biodiversité s’effondre. Les caribous sont particulièrement menacés. Leur population a chuté de 90 % depuis les années 1990.

Cet automne, je vais commencer une maitrise de deux ans pour étudier comment les changements climatiques affectent leur aire de répartition. Dans le même temps, de nouvelles espèces font leur apparition, elles sont chassées par la montée des températures plus au sud.

En tant qu’Autochtone, ça me fait mal. Je repense à mes grands-parents qui vivaient de la chasse et de la pêche. Je sais à quel point l’environnement est important, à quel point les peuples autochtones dépendent de la terre pour se nourrir.

«Jai limpression que la majorité des Canadiens oublie notre territoire»

Nous avons tellement à apprendre d’eux, ils en savent tellement sur la terre. Ils doivent nous servir de guide pour protéger la biodiversité. C’est important de les écouter, car ils ont été réduits au silence pendant trop longtemps.

Dans mon travail, j’ai la chance de collaborer étroitement avec les Premières Nations et je trouve que le gouvernement des T.N.-O. les écoute aussi de plus en plus. C’est une bonne chose. Par contre, j’ai l’impression que la majorité des Canadiens oublie notre territoire et ses enjeux.

Les plus hauts responsables politiques du pays doivent travailler davantage pour protéger le Nord contre la perte d’une grande partie de la biodiversité. On arrive à un point de non-retour, il faut agir tout de suite.

Je veux que les jeunes aient leur mot à dire dans tout ça, qu’ils fassent entendre leur voix, car ce sont les leadeurs de demain. Nous n’avons pas d’autre choix que de garder espoir.»

Christine Dunbar, 26

Christine Dunbar lives in Yellowknife in the Northwest Territories (NWT). She is Aboriginal on her mother’s side, Ukrainian and Scottish on her father’s side. His mother, Inuvialuit, was born in Inuvik, a town in the far north of the NWT, close to the Arctic Ocean.

Christine works for the NWT Department of Environment and Climate Change. She is also the local coordinator for the Global Youth Biodiversity Network (GYBN), a network of youth organizations supporting biodiversity. Last December, she participated in the 15th global conference on biodiversity (COP15), organized in Montreal.

“Indigenous communities know the land better than anyone”

“I did not grow up on the land of my ancestors, I have always lived in Yellowknife. But I have been in contact with Indigenous culture since my childhood. The school often took us to wilderness camps where we learned how to tan moose hides, where we listened to elders talk about their experiences and their knowledge of life on earth. Indigenous communities know the land better than anyone.

Two years ago, when I first went to Inuvik, where my mother is from, I felt a deep sense of belonging. I was able to visit a cabin that my family has owned for almost 100 years. I was able to spend time with some of my family members who still live there. They showed me around the Mackenzie River Delta.

My maternal grandparents were very traditional people. They lived in nature, went hunting and fishing with their children, and made traditional clothing. But my mother was not interested in this lifestyle and she left Inuvik very early to settle in Vancouver.

Now my grandparents have passed away and I no longer have anyone to show me these traditions, to teach me the language. It’s difficult trying to piece together your identity when you don’t have anyone by your side. I’m left to my own devices to discover my Indigenous side.

“The earth around me is changing so quickly”

I am also very concerned about the future of Indigenous peoples. Climate change is hitting them hard, hitting us all hard. I think about it all the time, it’s sad and scary. The earth around me is changing so quickly.

In the North, we are experiencing climate change four times more than in the rest of Canada. I see it every day, in my private life, in my work. The snow melts much faster. Spring is always warmer, especially at night. Permafrost is melting, causing erosion and releasing harmful gases into the atmosphere. Recent years have also been disastrous for fires and floods.

Biodiversity is collapsing. Caribou are particularly threatened. Their population has fallen by 90% since the 1990s.

This fall, I will begin a two-year master’s degree to study how climate change affects their range. At the same time, new species appear, they are driven out by rising temperatures further south.

As an Indigenous person, this hurts me. I think back to my grandparents who lived from hunting and fishing. I know how important the environment is, how much Indigenous people depend on the land for food.

“I have the impression that the majority of Canadians forget our territory”

We have so much to learn from them, they know so much about the earth. They must serve as a guide to protect biodiversity. It is important to listen to them, because they have been silenced for too long.

In my work, I have the chance to work closely with First Nations and I find that the NWT government is also increasingly listening to them. This is a good thing. On the other hand, I have the impression that the majority of Canadians forget our territory and its issues.

The country’s top politicians must work harder to protect the North from the loss of much of its biodiversity. We are reaching a point of no return, we must act immediately.

I want young people to have their say in all of this, to make their voices heard, because they are the leaders of tomorrow. We have no choice but to remain hopeful.”

Des photos: 1/ À l’occasion de la Journée nationale des peuples autochtones, deux femmes expliquent leurs liens avec la terre de leurs ancêtres et leur lutte contre les changements climatiques. Photo: Jay Thousand / Unsplash. 2/ Christine Dunbar a obtenu un diplôme en gestion des ressources naturelles, avant de travailler au ministère de l’Environnement et du Changement climatique des Territoires du Nord-Ouest. 3/ Christine Dunbar a participé à la 15e conférence mondiale sur la biodiversité (COP15), organisée à Montréal en décembre 2022. 4/ Christine Dunbar s’est rendue à Inuvik, une ville tout au nord des Territoires du Nord-Ouest, proche de l’océan Arctique, où est née sa mère Inuvialuit. 5/ Gillian Staveley est Kaska Dena. Depuis trois ans, elle habite avec ses enfants sur la terre de ses ancêtres, au Yukon. 6/ Gillian Staveley est impliquée dans le programme de gardiens autochtones en Colombie-Britannique et au niveau national.

Photos: 1/ On the occasion of National Indigenous Peoples Day, two women explain their ties to the land of their ancestors and their fight against climate change. Photo: Jay Thousand/Unsplash. 2/ Christine Dunbar obtained a diploma in natural resource management, before working at the Department of Environment and Climate Change in the Northwest Territories. 3/ Christine Dunbar participated in the 15th global conference on biodiversity (COP15), organized in Montreal in December 2022. 4/ Christine Dunbar went to Inuvik, a town in the far north of the Northwest Territories, close to the Arctic Ocean, where his Inuvialuit mother was born. 5/ Gillian Staveley is Kaska Dena. For three years, she has lived with her children on the land of her ancestors, in the Yukon. 6/ Gillian Staveley is involved in the Indigenous Guardians program in British Columbia and nationally.

Gillian Staveley, 34 ans

Gillian Staveley est Kaska Dena. Depuis trois ans, elle habite avec ses enfants sur la terre de ses ancêtres, à Faro au Yukon.

Le territoire traditionnel des Kaska Dena, appelé Dena Kayēh ou pays du peuple, s’étend sur le nord de la Colombie-Britannique, le sud-est du Yukon et une petite partie des Territoires du Nord-Ouest.

Gillian travaille pour l’Institut Dena Kayeh, un organisme sans but lucratif géré par les Kaska Dena. Elle est impliquée dans des projets liés au savoir traditionnel, au patrimoine culturel et à la gestion des terres.

«Le lien avec la terre fait partie de mon ADN»

«Le lien avec la terre constitue une part essentielle de mon identité autochtone, ça fait partie de mon ADN. J’ai été élevée par des femmes très fortes qui m’ont transmis leur vision du monde. Elles m’ont enseigné le respect que l’on doit à la terre et aux autres. C’est quelque chose que j’essaie d’inculquer à mon tour à mes enfants.

Je n’ai pas grandi sur le territoire traditionnel de mes ancêtres, mais j’y retournais régulièrement avec mes parents quand j’étais enfant. Je me sens intimement liée aux endroits où ils ont vécu.

J’ai aussi eu la chance de passer beaucoup de temps avec des anciens qui m’ont transmis leurs savoirs sacrés. J’en suis reconnaissante, car l’un des impacts les plus dommageables de la colonisation a été la disparition de nos systèmes de connaissances. Une grande partie de mon travail consiste aujourd’hui à retrouver ce savoir.

Depuis la COP 15, il y a eu des engagements fédéraux importants en faveur de la biodiversité. Le gouvernement a notamment octroyé 800 millions de dollars pour soutenir la conservation menée par les Autochtones.

Je constate donc des changements positifs dans la manière dont le gouvernement collabore avec nous. Mais j’attends de voir la mise en œuvre concrète des projets.

Les aires protégées autochtones : «un outil de conservation puissant»

En ce moment, les Premières Nations accomplissent un travail incroyable pour protéger la biodiversité. Ce sont elles qui font avancer d’importantes initiatives de gestion des terres. Les aires protégées et de conservation autochtones sont un bon exemple.

Dans ces aires protégées, les communautés autochtones protègent les écosystèmes par le biais de leur système juridique, de leur gouvernance et de leur savoir. Chaque aire a son propre mandat et ses propres principes de gestion. C’est un outil de conservation puissant parce qu’il est fondé sur la vision des gens qui habitent les lieux.

Ces aires protégées apparaissent un peu partout au Canada. Rien qu’en Colombie-Britannique, il y a une soixantaine de propositions pour en établir.

Il existe également le programme des gardiens autochtones, lancé en 2017 par Ottawa. Les projets permettent aux Premières Nations de surveiller la santé écologique et les sites culturels de leurs communautés, ainsi que de protéger les zones et les espèces vulnérables. C’est un mouvement qui prend de l’ampleur, 150 initiatives ont été financées jusqu’à maintenant.

«Les femmes autochtones sont les cheffes de file de la conservation des terres»

Je suis moi-même gardienne depuis sept ans dans un programme du nord de la Colombie-Britannique. Au niveau national, je suis aussi membre du conseil des gardiens pour la terre, le réseau qui regroupe les gardiens autochtones de tout le pays.

Les femmes autochtones sont les cheffes de file naturelles de la conservation des terres. Elles déploient des efforts novateurs pour garantir la sécurité de leur peuple. Elles ressentent une grande responsabilité comme si la vie matérielle et spirituelle de leurs enfants en dépendait.

C’est un rôle qu’elles assument depuis des milliers d’années. De nombreuses communautés autochtones sont des sociétés matrilinéaires, qui valorisent les femmes en tant que donneuses de vie, guérisseuses et dirigeantes.

Les changements environnementaux qui se produisent en ce moment sont anxiogènes, surtout pour la vie de mes enfants. Mais je reste optimiste, car les Premières Nations sont enfin assises à la table des discussions sur le changement climatique et la perte de biodiversité. Nous avons l’impression d’avoir repris notre avenir entre nos mains. Nous devons nous accrocher à cet espoir, rester forts et résilients.»

Les propos ont été réorganisés pour des raisons de longueur et de clarté.

Gillian Staveley, 34

Gillian Staveley is Kaska Dena. For three years, she has lived with her children on the land of her ancestors, in Faro, Yukon.

The traditional territory of the Kaska Dena, called Dena Kayēh or people’s country, extends across northern British Columbia, southeastern Yukon and a small part of the Northwest Territories.

Gillian works for the Dena Kayeh Institute, a non-profit organization run by the Kaska Dena. She is involved in projects related to traditional knowledge, cultural heritage and land management.

“The connection with the earth is part of my DNA”

“The connection with the land constitutes an essential part of my Indigenous identity, it is part of my DNA. I was raised by very strong women who passed on their vision of the world to me. They taught me the respect we owe to the earth and to others. This is something I try to instill in my children.

I did not grow up on the traditional territory of my ancestors, but I returned there regularly with my parents when I was a child. I feel intimately connected to the places where they lived.

I also had the chance to spend a lot of time with elders who passed on their sacred knowledge to me. I am grateful for this, because one of the most damaging impacts of colonization has been the disappearance of our knowledge systems. A large part of my work today consists of rediscovering this knowledge.

Since COP 15, there have been significant federal commitments in favor of biodiversity. In particular, the government has allocated $800 million to support Indigenous-led conservation.

So I see positive changes in the way the government works with us. But I am waiting to see the concrete implementation of the projects.

Indigenous protected areas: “a powerful conservation tool”

Right now, First Nations are doing incredible work to protect biodiversity. They are the ones driving important land management initiatives forward. Indigenous protected and conserved areas are a good example.

In these protected areas, Indigenous communities protect ecosystems through their legal system, governance and knowledge. Each area has its own mandate and management principles. It is a powerful conservation tool because it is based on the vision of the people who live there.

These protected areas appear almost everywhere in Canada. In British Columbia alone, there are around sixty proposals to establish them.

There is also the Indigenous Guardians Program, launched in 2017 by Ottawa. The projects allow First Nations to monitor the ecological health and cultural sites of their communities, as well as protect vulnerable areas and species. It’s a movement that is growing, 150 initiatives have been funded to date.

“Indigenous women are leaders in land conservation”

I have been a goalkeeper myself for seven years in a program in northern British Columbia. At the national level, I am also a member of the Land Guardians Council, the network that brings together Indigenous Guardians from across the country.

Indigenous women are the natural leaders of land conservation. They are making innovative efforts to ensure the security of their people. They feel a great responsibility as if the material and spiritual life of their children depended on it.

It’s a role they’ve played for thousands of years. Many Indigenous communities are matrilineal societies, which value women as life-givers, healers and leaders.

The environmental changes happening right now are anxiety-inducing, especially for my children’s lives. But I remain optimistic, because First Nations are finally sitting at the table discussing climate change and biodiversity loss. We feel like we have taken our future back into our hands. We must hold on to this hope, stay strong and resilient.”

The remarks have been reordered for length and clarity.